Déclaration lors de la remise du Prix de la liberté d’expression décerné le 22 mars 1995 par le S.C.I.J. (Canada)

Déclaration devant le congrès Italien pour l’abrogation de la peine de mort en 1996
07/12/2016
Chanson hommage de Ali AMRAN
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QUÉBEC, LE 22 Mars 1995

 

Pour ceux qui doute de son humanisme, lisez bien cette déclaration. Matoub a toujours défendu les causes justes sans tenir compte de la langue, de la religion ou de la culture des populations concernées. 

 

Mes amis,

Je tiens tout d'abord à remercier le S.C.I.J. pour tout ce qu'il entreprend pour réunir et non pour diviser. Je remercie aussi tous les journalistes ici présents, notamment les Français et les Canadiens, qui ont œuvré pour que j'obtienne ce premier prix de la liberté d'expression.

Enfin qu'il me soit permis de rappeler que mon engagement pour la liberté d'expression, contre l'intolérance, remonte à la fin des années 70.

A l'époque et tout au long des années 80, nous étions un certain nombre d'hommes et de femmes engagées pour la reconnaissance de la dimension berbère en Algérie.

Le combat pour la liberté d'expression, contre l'intégrisme a commencé là: le droit pour un enfant kabyle de parler, d'apprendre sa langue maternelle, le droit pour tout algérien, sans exclusive, de connaître son histoire, ses origines riches et diverses.

Berbérophone, arabophone ou francophone, l'Algérie - l'Algérie officielle - a privé ses enfants de leur personnalité.

Cette dépersonnalisation pour reprendre le mot juste de Kateb Yacine est aussi, peut-être largement, à l'origine du drame algérien.

Aujourd'hui, nous sommes engagés dans un combat tout aussi décisif, mais je crois que les atrocités, la sauvagerie ne doivent pas nous aveugler: il s'agit encore et toujours du même engagement, celui pour la liberté d'expression et la démocratie, contre l'esprit d'inquisition et le fanatisme, contre l'exclusion à commencer par celle des femmes et enfin, celle pour la reconnaissance pleine et entière de cette personnalité algérienne.

Toutes les souffrances algériennes sont miennes, parce que c'est sur le pays entier que s'est abattu l'ombre de la mort. Si demain la lumière de nouveau renaît, cela sera l'oeuvre de tous les Algériens enfin réunis contre le mensonge et les divisions savamment entretenues.

C'est l'Algérie toute entière qui est menacée, mais cette Algérie meurtrie, affaiblie du nord au sud, d'est en ouest continue pourtant à brandir le drapeau de l'honneur et de la dignité.

L'histoire saura rendre hommage au courage et à l'incroyable abnégation de ces algériens face à la mort.

Ces journalistes, ces femmes, ces enfants, ces artistes, ces écrivains sont l'honneur de l'Algérie. Ils sont la conscience demain retrouvée de notre pays.

Grâce à vous, grâce à ce prix, le combat des algériens pour la liberté d'expression, contre l'intégrisme, bénéficie une fois de plus de la nécessaire reconnaissance internationale.

Ainsi, exposés à la plus sauvage barbarie, ces Algériens sont aux côtés de tous ceux qui de par le monde refusent l'intégrisme. Il ne faut jamais l'oublier.

Ce prix n'est pas pour moi, mais pour eux à jamais.

Lounès MATOUB

Déclaration lors de la remise du Prix de la liberté
d’expression décerné le 22 mars 1995 parle
S.C.I.J. (Canada)

Lounès MATOUB