Ils ont tué Matoub

Déclaration devant le congrès Italien pour l’abrogation de la peine de mort en 1996
07/12/2016
Déclaration devant le congrès Italien pour l’abrogation de la peine de mort en 1996
07/12/2016

THALA BOUNANE, 25 JUIN 1998

IMMORTEL, IL VIT TOUJOURS ... 

L'histoire de Matoub Lounès est tragiquement marquée par son assassinat brutal, un acte qui a secoué le monde de la musique et de la défense des droits de l'homme. Le 25 juin 1998, Matoub, l'icône de la chanson kabyle et fervent défenseur de la culture berbère, a été pris pour cible par des assaillants armés.

Son enlèvement suivi de son assassinat reste un sombre chapitre dans l'histoire de l'Algérie. Matoub Lounès a été tué, mais son héritage, sa musique engagée et son esprit indomptable ont continué à résonner bien au-delà de ce jour tragique. Cet acte odieux a renforcé la détermination de nombreux partisans de la liberté et des droits culturels, faisant de Matoub un symbole immortel de la résistance face à l'oppression. Son impact perdure, rappelant à tous la nécessité continue de lutter pour la liberté, la justice et la préservation des identités culturelles.

L ÉTAIT L’IRREDUCTIBLE MILITANT DES CAUSES JUSTES... 

Par grappes, la foule convergeait vers le CHU tant pour confirmer l’information que pour tenter de voir le défunt. Ensuite, et aux alentours de 16 heures, c’est une marche spontanée qui se déclenche avec pour mots d'ordre la condamnation du terrorisme intégriste, entrecoupés de chansons de Matoub.
Une minute de silence a été observée en plein centre-ville de Tizi-Ouzou, où, depuis la propagation de la nouvelle, une atmosphère de profonde tristesse règne :
les commerces ont baissé rideau en signe de deuil. Matoub, avant de tomber dans le lâche guetapens que lui avaient tendu «les chasseurs d’étoiles», a été vu pratiquement partout ; au centre-ville, à la nouvelle-ville, dans les parages de l’hôpital où il s’était rendu quelques heures à peine avant sa mort.
Comme par prémonition, Matoub faisait ses adieux à une ville qu’il chérissait tant. Lounès était au volant de son véhicule accompagné de sa femme et de ses
deux belles-sœurs lorsque, en début d’après-midi (13h45), il a été pris dans un tir croisé au lieudit Tala-Bounane dans la banlieue de Tizi-Ouzou, plus exactement sur la route de BéniDouala. Il n'avait aucune chance d’échapper à ses assassins. Touché à la tête, à la poitrine et au bras gauche, l’artiste rendit
l’âme sur le coup. A sa droite, sa femme qui ne comprenait pas ce qui se passait — «ça tirait de partout», avait-elle déclaré — a également été touchée par sept balles. A l’arrière du véhicule ciblé par les tirs, les deux belles-sœurs du chanteur n’y ont pas échappé ; elles ont reçu plusieurs balles. Prises en charge par le CHU de Tizi-Ouzou, leur vie à toutes les trois (l’épouse et les deux belles-sœurs) est hors de danger. Après ce lâche attentat, la ville de Tizi-Ouzou est le théâtre
d’une colère grandissante de la jeunesse, pour qui Matoub était un symbole. Privés de leur idole, les jeunes de Tizi-Ouzou sont descendus dans la rue exprimer leur douleur. Par moment, une poignée de manifestants s’attelait à saccager des établissements publics. Les manifestations, qui s’étaient estompées avec la tombée de la nuit, ont repris avec un surcroît de violence menée par quelques personnes, dès 9 heures. L’agence Air Algérie a été incendiée, les Galeries algériennes ont été saccagées et pillées (téléviseurs, frigos, cuisinières, bicyclettes ont été volés) et au rond-point du centre-ville ,cinq véhicules ont été incendies. La journée d’hier a été propice aux déclarations, communiqués et appels. Les partis politiques FFS et RCD ont réagi en condamnant cet acte ignoble.

Le MCB
Coordination nationale considère l’assassinat de Matoub comme «une agression contre la cause identitaire dans sa globalité...». Le bureau régional de Boumerdès (RCD) dénonce pour sa part l’assassinat. Dans son communiqué, il incrimine les intégristes : «Les intégristes islamistes, dans leur folie meurtrière, viennent d’assassiner Matoub”. Le FFS de son côté «s’insurge contre cet acte odieux et appelle l’ensemble de la population à faire preuve de solidarité à l’égard de la famille du défunt (...) à soutenir tout mouvement de protestation pacifique tendant à dénoncer cet acte ignoble, et à rester calme et vigilante (...)». Le FFS local appelle aussi la population à observer aujourd’hui une grève générale. Cela étant dit, et à l’heure où nous écrivions, le calme semblait revenu dans la ville de Tizi-Ouzou. Rappelons que Matoub a déjà fait l’objet d’un enlèvement le 25 septembre 1994 par le groupe du terroriste Aït Ziane (abattu par les forces de
sécurité au mois d’août 1995 à la nouvelle-ville). Les ravisseurs ont fini par le relâcher une quinzaine de jours plus tard (le 10/10/1994).
Jeudi, ils ne l’ont pas raté...


Salim Bélaïd
L’Authentique du
vendredi 26-samedi 27 juin
1998

JOURNÉE NOIRE, TRISTE ... 

❖ La nouvelle du lâche assassinat, jeudi, de Matoub Lounès s’est répandue comme une traînée de poudre à travers la ville de Tizi-Ouzou
avant de grimper vers les bourgs et villages de Haute et Basse Kabylie pour les couvrir d’un manteau de tristesse, d’affliction et... de révolte La nouvelle du lâche assassinat, jeudi, de Matoub Lounès s’est répandue comme une traînée de poudre à travers la ville de Tizi-Ouzou avant de grimper vers les bourgs et villages de Haute et Basse Kabylie pour les couvrir d’un manteau de tristesse, d’affliction et...
de révolte ❖